1767-07-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Bordes.

Mon cher confrère en académie et mon frère en philosophie, mille grâces vous soient rendues de toutes les peines que vous daignez prendre! Je n'aime pas les h aspirés, cela fait mal à la poitrine.
Je suis pour l'euphonie. On disait autrefois je hésite, et à présent on dit j'hésite. On est fou d'Henri IV, et non plus de Henri IV. On achète du linge d'Hollande et non plus de Hollande. Ce qu'on n'adoucira jamais, c'est la canaille de la littérature. Vous en voyez une belle preuve dans ce maraud de la Beaumelle qui m'a adressé la plupart de ses lettres anonymes par Lyon, où il faut qu'il ait quelque correspondant. La dernière était datée de Beaujeu auprès de Lyon. Je crois que ni les ministres, ni m. le chancelier, ni la maison de Noailles, ni même la maison royale, ne seront contents de ce la Beaumelle. En vérité ceci est plutôt un procès criminel qu'une querelle littéraire. Ce n'est pas le cas de garder le silence. On doit mépriser les critiques, mais il faut confondre les calomniateurs.

On doit encore plus vous aimer.

Voici une petite brochure, en réponse d'une grosse brochure. S'il y a quelque chose de plaisant, amusez vous en. Passez ce qui vous ennuiera. Faites moi votre bibliothécaire, je vous enverrai tout ce que je pourrai faire venir des pays étrangers. Bientôt nous ne pourrons plus avoir de France que des almanachs, ou des fréronades, ou du journal chrétien. Si je suis votre bibliothécaire, soyez, je vous prie, mon Aristarque.

Je recommande la Scythie à vos bontés.