A Paris ce 23 Mai 1767
J'ai reçu, Mon cher et illustre maître, le paquet que vous avés bien voulu m'envoyer par mr Neckre; je vous prie de vouloir bien remercier de ma part l'abbé Mauduit de la seconde anecdote sur Belisaire qui m'a fort amusée; La lettre sur les Panégyriques m'a fait encore plus de plaisir; elle est pleine de vérités utiles, dont il faut espérer qu'à la fin l'espèce écrivante fera son profit.
Il y a bien à l'académie des belles lettres un abbé Foucher, assez plat janséniste, qui même a écrit autrefois contre la préface de l'Encyclopédie; mais plusieurs de ses confrères à qui j'en ai parlé, ne croient pas qu'il soit l'auteur du supplément à la philosophie de l'histoire; ils ne connoissent pas même ce beau supplément, qui en effet est ici fort ignoré et ne produit pas la moindre sensation; y répondre ce seroit le tirer de l'obscurité, comme on en a tiré Nonnotte.
Avez vous lu les 37 propositions que la Sorbonne doit condamner? Votre ami l'abbé Mauduit ne nous donnera t'il pas ses réfléxions sur ce prodige d'atrocité et de bettise? Ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est que l'inquisition est ici à son comble; on permet à toute la Canaille du quartier de la Sorbonne d'imprimer tous les jours des libelles contre Belisaire, et on ne permet pas à l'auteur de se défendre.
Nôtre jeune mathématicien a fait une petite suite pour l'ouvrage de mathématique que vous connaissés, où il traite de l'Etat de la Géografie en Espagne; vous la recevrez incessamment, quelque mécontent qu'il soit de la négligence du Libraire.
Adieu, mon cher maitre, je vous embrasse mille fois.
d'Alembert