23 mai 1767
Nous avons reçu, monsieur, le beau discours de m. l'abbé Chauvelin.
Je l'ai communiqué à m. de Voltaire qui en a pensé comme vous. Il est un peu malade actuellement. C'est apparemment de la fatigue qu'il a eue de faire jouer chez lui les Scythes et d'y représenter lui même un vieillard. Je n'ai jamais vu de meilleurs acteurs. Tous les rôles ont été parfaitement exécutés, et la pièce a fait verser bien des larmes. Vous n'aurez jamais de pareils acteurs à la comédie de Paris.
Je sais peu de nouvelles de littérature. J'ai ouï parler seulemt d'un livre de feu m. Boulanger, et d'un autre de mylord Bolingbroke dont on vient de donner en Hollande une édition magnifique. On parle aussi d'un petit livre espagnol, dont l'auteur s'appelle je crois Zapata. On en a fait une nouvelle traduction à Amsterdam.
On calomnie l'impératrice de Russie quand on dit qu'elle ne favorise les dissidents de Pologne que pour se mettre en possession de quelques provinces de cette république. Elle a juré qu'elle ne voulait pas un pouce de terre, et que tout ce qu'elle fait n'est que pour avoir la gloire d'établir la tolérance.
Le roi de Prusse a soumis à l'arbitrage de Berne toutes ses prétentions contre les Neufchâtelois. Pour nos affaires de Geneve elles sont toujours dans le même état; mais le pays de Gex est celui qui en souffre davantage. On dit que m. de Voltaire allait passer tout ce temps orageux auprès de Lyon; mais je ne le crois pas. Il est dans sa 74e année et trop infirme pour se transplanter.
J'ai l'honneur d'être, monsieur, bien sincèrement, avec toute ma famille, votre très humble et très obéisst serviteur
Boursier