1766-08-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Claude Germain Le Clerc de Montmerci.

Il est vrai que je n'écris guère, mon cher confrère en Apollon.
Les horreurs qui déshonorent successivement votre pays, m'ont rendu si triste, il y a si peu de sûreté à la poste, et toutes les consolations sont tellement interdites que je me suis tenu longtemps dans le silence. Les persécuteurs sont des monstres qui étendent leurs griffes d'un bout du royaume à l'autre. Les persécutés sont dévorés les uns après les autres. S'il y avait un coin de terre où l'on pût cultiver la raison en paix, je vous prierais d'y venir, et je ne sais encore si vous l'oseriez. Conservez moi votre amitié; détestez le fanatisme; écrivez moi, quand vous n'aurez rien à faire, et que vous aurez quelque chose à m'apprendre. Ma vie serait heureuse dans mes déserts si les gens de lettres étaient moins malheureux dans la pays où vous êtes.

Comptez surtout sur mon amitié inaltérable.