12 juillet 1766
Mon cher frère, Polyeucte et Néarque déchirent toujours mon cœur, et il ne goûtera quelque consolation que quand vous me manderez tout ce que vous aurez pu recueillir.
On dit qu'on ne jouera point la pièce de Collé, je m'y intéresse peu puisque je ne la verrai pas, et en vérité je suis incapable de prendre du plaisir après la funeste catastrophe dont on veut me rendre en quelque façon responsable. Vous savez que je n'ai aucune part au livre que ces pauvres insensés adoraient à genoux. Il pleut de tous côtés des ouvrages indécents, comme la chandelle d'Arras, le compère Mathieu, l'espion chinois et cent autres avortons qui périssent au bout de 15 jours, et qui ne méritent pas qu'on fasse attention à leur existence passagère. Le ministère ne s'occupe pas sans doute de ces pauvretés: il n'est occupé que du soin de faire fleurir l'état. L'intérêt réduit à 4 pour %, me parait une preuve d'abondance. Je ne crois pas que cet édit ait un effet rétroactif. Je vous prie de vouloir bien m'en instruire, et si les rentes sur l'hôtel de ville seront sujetes à cette réduction.
Je suis bien plus embarassé de Voltaire des Sirven. Je tremble que m. de Beaumont ne se décourage. Je vous conjure d'exciter son zèle. J'ai pris des mesures qui m'embarrassent beaucoup s'il abandonne cette affaire. Parlez lui, je vous prie, de celle d'Abbeville, il s'en sera sans doute informé. Je ne connais point de loi qui ordonne la torture et la mort pour des extravagances qui n'annoncent qu'un cerveau troublé. Que fera-t-on donc aux empoisonneurs et aux homicides?
Adieu, mon cher ami, adoucissez par vos lettres la tristesse où je suis plongé.