21 juin [1766]
Monsieur Boursier me mande, mon respectable philosophe, qu'il vous a dépèché par la voye de Lyon et de Limoge un petit paquet des raretés du pays.
Je vous en donne avis quoy qu'il soit vraisemblable que vous recevrez le paquet avant ma lettre. Les paquets vont en droiture et les lettres passent par Paris, ce qui fait cent lieues de plus, et qui opère un retardement considérable sujet à beaucoup d'inconvénients.
Mr Boursier m'assure qu'il aura toujours soin de vous faire parvenir touttes les choses que vous paraissez désirer. Il vous est tendrement attaché. Il est vray qu'on peut lui reprocher un peu de paresse, mais on doit l'excuser, il traîne une vie fort languissante et est très rarement en état d'écrire.
Je reçois dans ce moment une de vos lettres par la quelle vous me mandez que princes et princesses peuvent passer dans nos déserts. Ces déserts sont bien indignes d'eux. Il n'y a plus de théâtre, les ailes qu'on bâtit ne sont pas encore achevées, le prieur du couvent est malade, la prieure l'est aussi. Ils seraient tout deux désespérés de ne pouvoir recevoir de tels hôtes d'une manière qui pût leur plaire. Le voisinage est très triste. Cependant si les dieux s'avisaient de descendre dans ces hamaux ils trouveraient encor des Baucis et des Philémon, mais il vaudrait encor mieux recevoir des philosophes que des princess[es.].