[?26 March 1766]
Je ne croiais pas, Monsieur, que je dusse mouiller de mes larmes la réponse que je vous dois depuis si longtemps.
Je regretterai Made Constant toute ma vie; Mr vôtre frère est inconsolable; elle remplissait les devoirs d'épouse, de mère, et tous ceux de l'amitié. Mr Constant reste avec quatre enfans. Que deviendra t-il? quel parti prendra t-il? Si ses enfans n'étaient pas aussi aimables qu'ils le sont, je dirais qu'il eût bien mieux fait de ne se point marier, et de rester auprès de vous. Je sais que vous êtes adoré dans vôtre régiment, je m'y attendais bien. Mr le Duc de Choiseuil a fait en vous une bien bonne acquisition, et nous nous en appercevrons si nous avons le malheur d'avoir la guerre. Il y a eu dans nos quartiers un peu de mutinerie pour les milices. Beaucoup de gens qui craignaient d'avoir le gros lot à cette Lotterie, se sont enfuis à Genêve. On ne veut pas être milicien, même en temps de paix. Il semble que tous ces gens là soient devenus philosophes. Le païs où vous êtes est un peu plus guerrier. On y sera peut être moins éffarouché de tirer au sort à qui servira l'état.
Conservez moi vos bontés, Monsieur, et ne m'oubliez pas je vous en prie, auprès de Mr le Duc D'Aremberg et de Mr le Prince de Ligne quand vous leur écrirez.
Made Denis et toute ma petîte famille postiche vous font les plus sincères compliments.
V.