1766-02-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Permettez, mon cher ami, que je vous adresse le billet important pour mon notaire, m. Delaleu.
Le cœur me dit que je recevrai de vous aujourd'hui quelques nouvelles, où vous parlerez de vous, de votre santé, de l'affaire de Sirven.

Je suis bien aise qu'on ait en France un peu de sévérité sur l'entrée des livres étrangers. On en imprime de si pitoyables et de si ridicules que c'est très bien fait d'écarter cette vermine; mais Cramer est la victime d'une méprise singulière à l'occasion de cette défense. Il envoyait en Hollande un recueil de mélanges en trois volumes, dans lequel, sans me consulter, il a fourré quelques ouvrages qu'il a attrapés de moi, et il envoyait en France des suppléments de Corneille et d'autres œuvres permises. On s'est trompé; on a adressé les mélanges en France, et le Corneille en Hollande. J'espère que sa bonne foi le tirera de ce mauvais pas.

Je n'ai point encore mon encyclopédie. Les relieurs de ce pays-ci sont aussi lents que mauvais; je n'ai de ma vie été si contrarié. En attendant je me jette dans la métaphysique. Je voudrais bien être entre Platon et vous.