1766-02-06, de Charles Pictet à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Je croirais manquer à mon devoir tant par rapport à vous monsieur, que relativement à moi même, si après avoir lu la lettre qu'on me dit que vous avez adressée à mr Lullin, et dont je joins ici la copie, si je tardais dis je à vous témoigner ma satisfaction sur le précis de l'assertion qu'elle contient; oui monsieur je suis charmé d'y pouvoir lire d'après vous que s'il y a un seul magistrat, un seul homme dans la ville à qui vous ayez parlé ou fait parler contre mr Rousseau, que vous consentez d'être aussi infâme que les secrets auteurs de cette calomnie doivent l'être.
J'ignore absolument monsieur ce qui pouvait avoir donné lieu à une imputation dont votre lettre actuelle démontre toute la fausseté, mais ce que je sais de bien certain, c'est que je n'étais pas le seul imbu de cette calomnie, et que plus le motif m'en parût odieux et moins ma vivacité à ce sujet a dû vous paraître offensante; je suis très fâché monsieur, qu'un préjugé erroné m'ait mis dans le cas d'indisposer une personne dont j'ai toujours admiré et respecté les talents; ce sentiment me conduit à vous dire, monsieur qu'une justification aussi claire que celle que produit votre lettre sur le fait le plus odieux, vous donne tous les droits que vous méritez, sur l'estime et l'attachement, non seulement de ceux qui vous environnent, mais de ceux mêmes qui n'ont point l'honneur de vous connaître personnellement. Agréez monsieur l'assurance que je vous présent de ces sentiments, ainsi que de ceux de la respectueuse considération avec lesquels je suis

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Pictet coll au service de L. H. P.