1766-01-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Mon cher Caro, made Denis m'a montré vôtre belle Lettre comme elle le devait.
Vous me prenez donc pour Grégorio Leti, qui faisait des histoires comme les poules pondent des œufs; et vous vous imaginez que parce que j'ai fait l'histoire de Charles 12 je doive faire celle du sindic Galifre et du prédicant Vernet? Vraiment vous avez là une bonne idée.

L'ami Covelle, qui est un des plus profonds savants que nous aions, me fournira sans doute des mémoires. Je suis étonné envérité que depuis onze ans que vous me connaissez, vous me connaissiez si peu. Genêve à ce que je vois, est la ville des nouvelles sûres. Le sr D'Yvernois en a surtout d'éxcellentes, et tous les jours ce sont nouvelles tracasseries à faire poufer de rire.

Aureste, je suis enchanté que ce soit mr l'ambassadeur de France en Suisse, qui soit vôtre médiateur. Il m'honore de quelque bonté, et j'espère qu'il aura celle de vouloir bien venir à Ferney, car ma mauvaise santé et ma faiblesse ne me permettent pas de sortir de chez moi.

J'ai reçu, mon cher ami, vos quatre éxemplaires, je vous tiendrai compte des 255£. J'ai envoié vos mandats pour Merlin et Pankouke.

Si vous imprimez les tragédies, souvenez vous qu'il y a beaucoup de fautes, des vers oubliés eta, eta, et que vôtre compositeur ne s'appelle pas Robert Etienne.

Je suis à vos ordres pour corriger. Si vous avez une pucelle vous me ferez plaisir de me la donner, sinon, je m'en passerai aisément à mon âge.

Ne manquez pas, mon cher ami, de faire rougir ceux qui débitent des choses aussi fausses et aussi peu vraisemblables.

V.