1765-08-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Michel de Villette, marquis Du Plessis-Villette.

Les inflammations de poitrine monsieur le marquis nuisent beaucoup au commerce de lettres. J'en ay eu une dont les restes ne sont point du tout plaisants. Sans cela votre jolie lettre du 4 juillet, vos très agréables vers, votre charmante imagination m'auraient animé et je vous aurais dit il y a un mois tout ce que j'ai sur le cœur. Je vous trouve une des plus aimables créatures qui respirent, mais en même temps je vous trouve une des plus sages d'avoir un peu arrêté l'indiscrétion de ces bons amis qui disent du bien de vous pour de l'argent. Je les attends à une épitre dédicatoire. M. de la Touraille qui est d'une volée un peu différente m'a écrit sur votre compte des choses qui ont bien flatté mon goust. Il vous aime et il est digne de vous aimer. Vous avez là un bon second auprès de M. le prince de Condé. Je suis enchanté que vous n'aimiez pas trop le public et que vous aimiez baucoup vos terres. Voilà qui est vraiment philosophe.

Vous connaissez très bien vos gens.
C'est un prétieux avantage,
Et bien rare dans les beaux ans.
Votre esprit vous a rendu sage.
Si je le suis, c'est par mon âge,
Et je me suis trompé longtemps.

Mademoiselle Clairon est chez moy. Il y avait dix sept ans que je ne l'avais vue. Elle n'était pas alors ce qu'elle est aujourduy. Elle a créé son art. Elle est unique. Il est juste qu'elle soit persécutée à Paris. Tout ce que vous m'avez appris et tout ce qu'on m'a dit augmente ma pasion pour la retraitte. Celle de vous y revoir est à son comble.

Permettez vous que je confie à vos bontez ce billet pour frère d'Alembert?