1765-04-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Je réponds à vôtre Lettre du 10.
Si elle avait été du 11 vous auriez été dans un bel entousiasme des trente six mille livres accordées par le roi à nôtre famille Calas. Si le Roi savait combien on le bénit dans les païs étrangers, il trouverait que jamais personne n'a mis son argent à un pareil intérêt. Jamais l'innocence n'a été mieux vengée ni plus honorée. Vous êtes assurément bien paié mon cher frère, de toutes vos peines. Le généreux Elie doit être bien content. On regarde icy son mémoire comme un chef d'œuvre. Il était impossible que les juges résistassent à la force de son éloquence. J'ai oublié tous mes maux quand j'ai apris la libéralité du roi; je me suis cru jeune et vigoureux, et j'imagine qu'à présent vous ne portez plus d'emplâtre au cou.

Ou je suis bien trompé ou Mr de Beaumont a dû voir l'arrêt du parlement de Toulouse, à la suitte de la sentence de Castre. Si cet arrêt ne s'y trouve pas nous allons écrire pour le faire venir. Elie va donc une seconde fois tirer la vertu du sein de l'oprobre et de l'infortune. Je vous prie de l'embrasser bien tendrement pour moi, et de lui dire qu'il a un autel dans mon cœur.

Vous ne m'avez point encor accusé la réception du paquet que mr De la Haye a dû vous remettre, il n'est donc point encor à Paris? et s'il y est, il faut donc qu'il soit arrivé quelque malheur. Ne pouriez vous point aller chez lui? le paquet ne laisse pas d'être de quelque conséquence. J'ai éxécuté ponctuellement tous les ordres que frère Archimède m'a donnés, et je fais des vœux pour que la destruction paraisse incessamment. Toutes ces destructions là sont l'édification des honnêtes gens. Combattez, anges de l'humanité, bon soir mon cher frère. Ecr: L'inf: