1765-04-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Grâce Bosc Du Bouchet, comtesse d'Argental.

Mes divins anges, je m'adresse à vous quand il faut remplir mes devoirs.
Mr Du Belloi m'a envoyé son drame; vous avez permis que ma première lettre passât par vos mains, je demande la même grâce pour la seconde. Vous m'avouerez que le petit ex-jésuite entendrait bien mal ses intérêts s'il avait de l'empressement.

J'ai eu l'honneur de vous envoyer trois feuilles d'un ouvrage qui m'est tombé entre les mains, mais comme je n'ai reçu aucun ordre de vous je n'ai pas continué les envois. Cet ouvrage pourtant, m'a paru curieux et digne de vous amuser quelques moments.

La pauvre ve Calas n'a point encore reçu du roi de dédommagement pour la roue de son mari. Je ne sais pas au juste la valeur d'une roue, mais je crois que cela doit être cher. Les uns lui conseillent de prendre les juges à partie, les autres non, et moi je ne lui conseille ni l'un ni l'autre. Mon avis est qu'elle fasse pressentir mr le vice chancelier et mr le contrôleur général, de peur de faire une démarche qui pourrait déplaire à la cour, et affaiblir la bonne volonté du roi.

Vous devez mes divins anges avoir reçu deux gros paquets, l'un par mr Devillars, capitaine aux gardes suisses; l'autre par mr De Châteauvieux, autre capitaine.

Les bagatelles qu'ils renferment sont pour vous et pour mr Damilaville. J'ai envoyé tout ce que j'avais, il n'y en a plus; on en refait d'autres; tout le monde devient honnête de jour en jour.

Je ne sais nulle nouvelle du tripot, ni du tyran du tripot, il a un fonds d'humeur où je ne conçois rien. Mes divins anges, prenez moi sous votre protection dans ce saint temps de pâques, et daignez me mander je vous en conjure, si vous avez reçu les petites drôleries en question.

Toute ma petite famille se met au bout de vos ailes.

Mes divins anges, je n'entends plus parler des dîmes, cela nous inquiète un peu, maman et moi.