1765-03-19, de Charles Jean François Hénault à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher confrère,

Vostre souverain le Roi d'Yvetot vient de faire trancher la teste à Guerin.

On doute si l'ouvrage intitulé du Corps et du sang de N. S. J. C. est de Ratramne, appellé aussi Bertram, ou d'un autre. La 1re Edition en fut donnée en 1531 par les protestans, ce qui fit croire à plusieurs Catholiques qui l'examinèrent mal, qu'il étoit favorable à l'Erreur des protestans sur L'Eucharistie, ce qui n'est pas. v. Perpétuité de la foi, VIIIe livre, Bibliothèque de Dupin, au IXe siècle (tems où vivoit Ratramne, et non en l'année 1450 indiquée par la lettre), page 225 &c.

Quant au Jugement Contre le Dauphin à l'année 1420 on a consulté tout ce qui est connu, tant imprimé que Mss sur ce fait, et il y a peu de choses à changer à ce texte tel qu'il est dans L'abrégé chronol., Rapin Thoiras, Rymer, art des Dattes & par les Bénédictins.

J'ai bien aprouvé Vôtre résistance à l'Envoy de l'ouvrage que vous désavoués.

Voici un nouveau Tragique qui s'Elève et que l'on ne croit pas indigne de perpétuer votre postérité, et qui nascentur ab illis.

Je n'en ay point vû la représentation, mais il me l'a lû, et j'avoue qu'il m'a fait un grand plaisir. Le Patriotisme en doit être le texte et le Roi a été touché de voir l'Intérest que la Nation y a pris. J'y ay pleuré. Vous en Jugerés à la Lecture, la lettre que vous lui avés écrite consacre l'opinion publique. Vous savés tous les honneurs qu'il a reçus, des Députés de Calais sont venus lui aporter des lettres d'adoption de leur ville. C'est bien là la couronne civique et son portrait sera mis dans leur hôtel de ville. Il m'a parû modeste, et ce sera encor vous par cette vertu: Il ne lui manque Jusqu'à présent que des envieux et cela viendra. A Dieu mon cher confrère, souvenés vous de moy quand vous aurés perdu un admirateur, et ne craignés pas de m'avoüer après vôtre adoption.

Made du Deffand n'est fâchée contre vous que parce que vous la privés d'une Lecture qu'elle désiroit, comme tout ce qui a vostre cachet ou que l'on vous impute.

H.