à Paris ce 21 nbre 1764
Comment est t'il possible, mon cher ami, que vous teniés à l'hostie et au maroquin rouge? Ne sentés vous pas la différence d'un trait noyé dans un grand ouvrage ou mis sous les yeux dans un petit espace, où il n'est nullement nécessaire, et où il frappe à bout portant sur le personage qui fait l'objet de la discution? Excepté d'être l'auteur du testament je ne connois point de reproche plus sanglant à la mémoire du cardinal de Richelieu que de communier avec un homme qu'on fait exiler le lendemain. A l'égard de la plaisanterie du maroquin comptés que je connois mieux que vous celui à qui elle s'adresse et que je suis persuadé qu'il en auroit été blessé. La façon dont cet endroit a été accomodé et la suppression de l'hostie ne nuisent en rien à l'ouvrage.
Il a parû, on en est extrêmement content. Ceux qui l'avoient vû avant ces petits changements croyent qu'ils sont le fruit de vos nouvelles réflexions, ainsi que le mot de jeune rétabli, la phrase de l'opprobre adoucie, et ils vous en sçavent gré.
Je n'ai point imaginé que vous eussiés dessein d'antidater mais il n'étoit pas possible qu'en 1750 vous fissiés mention du testament de Bellisle qui a parû très postérieurement à cet époque. J'ai donc eu raison d'ôter aussi cette mention Belleisle.
Au reste je me rétracte. Je ne crains plus que la méthode et la ditactique de votre adversaire triomphe de vos agréments. Vous avés fortifié et surtout embeli votre dissertation de façon à vous concilier tous les lecteurs. M. de Foncemagne établissoit deux propositions, l'une que le testament étoit du cardinal de Richelieu, l'autre que c'étoit un bon ouvrage. Vous avés entièrement prouvé qu'il étoit détestable et fortement ébranlé la foi qu'on croyoit devoir à son autenticité. Quoi que je sois accoutumé à vos miracles je ne conçois pas comment vous avés pu répandre autant de grâces sur une discution aussi sèche et qui paroit du ressort des sçavants en us. Vous êtes doux, honnête, attachant même, intéressant. Il seroit possible qu'à la rentrée du parlement on brûlât le portatif. Il est assés bon pour mériter ce traitement. Mais mrs Abausit et Polier ne s'en soucieront guères, et je suis persuadé que vous imiterés leur indiférence. Vous en avés trop pour le tripot. Je devrois avoir receû vos intentions à l'égard de melles d'Oligni et Lusi et des nouvelles remarques de l'exjesuite sur les roués. J'avois espéré aussi que vous engageriés m. de Richelieu à rendre à Grandval le comte d'Olban. S'il vous soutient que Bellecour y est supportable vous l'assurerés que cela est aussi faux que le testament et vous lui en dirés autant s'il soutient sa melle Depinai contre melle Doligni que le public adore et s'il veut donner la préférence à sa moustache de Bellecour sur melle Lusi, jolie comme un ange et donnant de très grandes espérances.
Me d'Argental dort encor. Si elle s'éveilloit elle se joindroit à moi pour vous embrasser bien tendrement. Entretenés nous, je vous en prie, dans le souvenir de me Denis. Je vais répondre à m. Dupuist.