2e 9bre 1764 aux Délices près de Geneve
Les choses que j'ai vues de vous, Monsieur me persuadent toujours que vous pouvez faire une très bonne poëtique Théâtrale.
Vous ne tomberiez pas dans le défaut de La Mothe qui dans ses remarques ingénieuses et bien écrittes, n'a fait autre chose que de chercher à justifier fort mal ses très mauvaises pièces. Vous pouriez faire voir en passant combien j'ai été indulgent à l'égard de Corneille, et vous pouriez dire de l'admirable Racine tout ce que je n'en ai point dit. Vôtre ouvrage serait utile et agréable. La sagesse avec laquelle vous l'écririez serait le passeport de la vérité auprès des esprits les plus prévenus. Un tel écrit fait avec soin pourait vous ouvrir les portes de l'académie.
Je suis très fâché d'apprendre que vous avez été malade, pour moi je redeviens aveugle dès que les alpes et le mont Jura sont couverts de neige. Je pourai bien ne vous pas lire, mais je me ferai lire avec un très grand plaisir tout ce qui viendra de vous; j'aurai toujours pour vous, Monsieur, les sentiments de l'estime la plus parfaitte. Souffrez qu'un pauvre aveugle suprime les cérémonies.
V.