2e 9bre 1764
Les neiges sont sur nos montagnes et me voilà redevenu aveugle, dieu soit béni!
Mon divin ange me parle de melle Doligny et de melle de Luzy; je le supplie de mander quels rôles il faut donner à l'une et à l'autre: j'exécuterai vos ordres sur le champ. En attendant, elles peuvent apprendre ceux que vous leur destinez.
M. le maréchal de Richelieu aura peut-être oublié qu'il m'a écrit que je pouvais disposer de tous ces rôles, mais heureusement j'ai sa lettre, ainsi que j'ai des preuves convaincantes que le testament politique n'est point du cardinal de Richelieu. Je brave m. le maréchal et mad. la duchesse D'Aiguillon, et m. de Foncemagne, et le dépôt des affaires étrangerès. Je leur réponds à tous, et vous croyez bien que ce n'est pas pour leur dire des choses qui leur déplaisent. Ma réponse est bien respectueuse, bien flatteuse, mais à mon gré bien curieuse. J'espère qu'elle vous amusera, et que m. le duc de Praslin n'en sera pas mécontent. J'y dis un petit mot sur les livres qu'on impute à de pauvres innocents.
Au reste mon cher ange, je n'ai point prétendu que m. le duc de Praslin débutât dans une séance du conseil, Le portatif n'est pas de V.; mais il est indubitable, il est démontré que le portatif est de plusieurs mains et si vous en doutez, je vous enverrai l'original de Messie, avec la lettre de l'auteur, toutes deux de la même écriture. Alors étant convaincu de la vérité vous la ferez mieux valoir, et m. le duc de Praslin convaincu par ses yeux serait plus en droit de dire dans l'occasion, V. n'a point fait le portatif. Il est de plusieurs mains.
Je sais qu'on fait actuellement une très belle édition de ce portatif en Hollande, revue, corrigée, et terriblement augmentée. C'est un ouvrage très édifiant et qui sera fort utile aux âmes bien nées.
Au reste que peut on dire à V. quand V. n'a donné cet ouvrage à personne, et quand il a crié le premier au voleur, comme Arlequin dévaliseur de maisons? V. est intact. V. s'enveloppe dans son innocence. V. reprendra les roués en considération quand il pourra avoir au moins la moitié d'un œil. V. remercie tendrement son ange pour notre gendre, lequel est assigné à comparoir au grand conseil et à plaider contre les religieux corsaires de Malthe. Nous sommes très disposés à en passer par ce que m. l'ambassadeur de Malthe voudra. Je suis persuadé que l'ordre dépenserait beaucoup d'argent à cette affaire, et y gagnerait très peu de chose. V. remercie surtout pour la grande affaire des dîmes, dans laquelle heureusement son nom ne sera point prononcé, ce nom fait un assez mauvais effet quand il s'agit de la sainte église.
Sub umbra alarum tuarum.