29e 8bre 1764 aux Délices
J'écris aujourd'hui à mon ange, comme un ange de paix.
Nous sommes voisins d'un commandeur de Malte, savoyard de nation, chicaneur de profession. Une partie des terres de la commanderie est enclavée dans celle de notre gendre Dupuis. Le père de notre gendre par convenance s'était chargé de l'administration de la commanderie. Le bail est rompu; le commandeur assigne notre gendre par devant le grand conseil à Paris.
J'ai écriti à m. l'ambassadeur de Malte pour le supplier d'engager le commandeur savoyard à s'en remettre à des arbitres. Nous avons m. le bailli de Groslier, dans le voisinage, qui peut être arbitre au nom de l'ordre, et m. le marquis de Billac, l'un des plus honnêtes hommes du monde, serait nommé par notre gendre, qui a promis d'en passer par leur sentence.
M. le bailli de Froulai m'a mande qu'il consulterait mon ange, et certainement il ne peut pas mieux faire. Quel autre consulterait on, quand il s'agit de faire du bien?
Je crois que j'ai pris trop d'alarmes sur ce livre misérablement imprimé, qu'on sait bien ici être de plusieurs mains, mais le pauvre Montperoux n'a pas joué un beau rôle dans cette affaire.
On dit le Kain malade. On m'a parlé d'un acteur nommé Aufrene, qu'on dit très bon; il est à la Haye. Je l'ai entendu il y a six ou sept ans. Il me parut alors n'avoir de défaut que celui de jouer tout. On dit qu'il s'en est corrigé. En ce cas ce serait une bonne acquisition pour le tripot, que dieu bénisse, et que je ne peux plus servir.
Je me mets bien humblement à l'ombre des ailes de mon ange.