1763-11-26, de Marie Louise Denis à Charles Joseph, prince de Ligne.

Vous ne vous contantez pas Monsieur d'être aimable et d'avoir honoré de votre présence deux personnes dont vous avez gagné les Coeurs, vous daignez encor vous en ressouvenir et leurs en donner des marques.
C'est mettre le Comble à leur satisfaction.

Pouviez vous douter du plaisir extrême que nous a fait votre lettre et du désir de Mon Oncle de connoitre les remarques que vous avez faites pendand cette malheureuse guere? La seulle Consolation qu'on éprouve étant privé de l'honneur de vous voir est cell de vous lire.

Vous nous promettez Monsieur de revenir l'année prochaine dans nos montagnes. Je vous somme d'une parole aussi agréable. Si je pouvais être sûr du temps où nous vous posséderons et que vous voulussiez me le mender un peu d'avance vous trouveriez à votre arrivée une belle tragédie toutte preste à jouer. Pour rendre la pièce plus intéressante il faudrait que vous daignassiez y prendre un rôle. Si le coeur vous en dit mendez le moi, nous Conviendrons de la pièce et du rôle qui vous plairait devantage, vous l'apprenderiez avant votre arrivée et vous augmenteriez nos plaisirs en voulant bien les partager. Je n'aurais pas tardé si longtemps Monsieur à répondre à votre obbligente lettre si ma santé me l'avait permis. Elle est toujours fort languissante mais je retrouve des forces pour vous assurer combien j'ai l'honneur d'être Monsieur

Votre très humble et très obéissente servante

Tous nos enfans sont bien flatés de l'honneur de votre souvenir et me chargent de vous en faire leurs très humbles remerciemens.

Agréez aussi monsieur le prince, ceux d'un vieillard, car tous les âges sont également sensibles à votre mérite. Il est vray que je ne peux plus jouer la comédie, mais il en est de ce plaisir comme de tous ceux auquels il faut que je renonce, je les aime fort dans les autres. Ma jouissance est de savoir qu'on jouit. Je désire plus que je n'espère de vous revoir entre nos montagnes. L'apparition que vous y avez faitte nous a laissez des regrets qui dureront longtemps. Nous serions trop heureux si nous étions faits pour vous posséder comme nous le sommes pour vous aimer et pour vous respecter. Le vieux malade s'acquitte parfaitement de ces deux devoirs.

….V.

Denis