1763-11-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Grâce Bosc Du Bouchet, comtesse d'Argental.

Mes divins anges, mon neveu du grand Conseil me mande, que vous avez la bonté de me faire parvenir son histoire de Jeanne.
Ce neveu là a une belle vocation pour écrire l'histoire des Catins; il se prépare de l'occupation pour toute sa vie.

Comme je ne peux pas le paier en même monnaie, je lui envoie les remarques sur l'histoire générale, et le traitté sur la tolérance, qui est, comme vous sçavez, d'un brave théologien, que je ne connais pas. Je prends la liberté de m'adresser à vous pour lui faire tenir cette petite cargaison, accompagnée d'une Lettre qui est dans le paquet. J'abuse de vos bontés, mais vous m'avez accoutumé à l'excez de vôtre indulgence. Nous vous prions, made Denis et moi, d'être plus que jamais les anges de Ferney. Nous n'avons pas un moment à perdre pour rappeller nôtre affaire au conseil du Roy, c'est le seul moien de nous tirer d'embarras. Nous vous suplions de nous mander les intentions de Monsieur le Duc De Praslin. Cette affaire est pour nous de la dernière importance; toute la douceur de nôtre vie en dépend; nous remettons nôtre destinée entre vos mains.

On parle d'une Tragédie nouvelle qui a beaucoup de succez, et vous ne nous en dites rien. Vous croiez donc que nous ne nous intéressons pas au tripot? Un coquin de janséniste vient d'imprimer un gros volume contre le théâtre. Les jésuites, dumoins, ne se seraient pas rendus coupables de ce fanatisme. On nous a défait des renards et on nous a mis sous la dent des loups. Moi je me mets toujours à l'ombre de vos ailes.