1763-10-18, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bernard Louis Chauvelin.

Je présume que Vôtre Excellence a déjà fait l'acquisition d'un nouvel enfant; que Madame l'ambassadrice se porte à merveille, et que vous n'êtes occupé que de vos ouvrages, qui en vérité valent mieux que les miens.

Dès que vous aurez du loisir, j'enverrai donc à Vôtre Excellence ce qu'elle croit que je lui dois depuis le mois d'avril; mais je vous avertis, Monsieur, que ce n'est que de la prose; et voicy de quoi il est question.

Lorsque la veuve Calas présenta sa requête au conseil, l'horreur que tout le monde témoigna contre le parlement de Toulouse fit croire à plusieurs personnes que c'était le temps d'écrire quelque chose d'aprofondi, et de raisonné sur la tolérance. Une bonne âme se chargea de cette entreprise délicate; mais elle ne voulut point publier son écrit, de peur qu'on n'imaginât que l'esprit de parti avait tenu la plume, et que cette idée ne fit tort à la cause des Calas; peut être l'ouvrage n'est-il pas indigne d'être lu par un homme d'Etat. J'aurai l'honneur de vous le faire tenir dans quelques jours.

Il y a aussi une petite brochure qui sert de supplément à l'histoire universelle. Il y aurait de l'indiscrétion à vous l'envoyer par la poste; et je ne prendrai cette liberté que sur un ordre précis.

Voilà pour tout ce qui regarde le département de la prose. A l'égard du département des vers, je ne peux rien envoier qu'en 1764, et si je meurs avant ce temps là, vous serez couché sur mon testament pour un paquet de vers.

Je présente mes respects à Madame L'ambassadrice, à Monsieur vôtre fils aîné, et à Monsieur son cadet.

V.