1er auguste [1763]
O anges de lumière, voicy donc ce que mr de Tibouville me mande sous votre cachet:
Mais, j'aurai bien autre chose encore, ouy, oui, oui, j'en sçais plus que je n'en dis, peutêtre plus que vous même qui me tenez rigueur, entendez vous? Mon dieu que cela sera beau!
Il en sçait plus qu'il n'en dit; donc il a lu mes Rouez. Il en sçait plus que moy, donc il sait votre sentiment sur mes rouéz, que je ne sçais pas encore. Il est donc dans la bouteille. Vous luy avez donc fait jurer de garder le secret. Ce secret est essentiel. C'est en cela que consiste tout l'agrément de la chose. Figurez vous quel plaisir de donner cela sous le nom d'un adolescent sortant du séminaire. Comme on favorizera ce jeune homme qui s'appelle je crois Marcel. Voylà la vraye tragédie, dira Fréron. Les soldats de Corbulon, diront, ce jeune homme poura un jour approcher du grand Crebillon; et mes anges de rire. Si on sifle mes anges ne feront semblant de Rien quoy qu'il arrive. C'est un amusement sûr pour eux; et c'est tout ce que je prétendais.
Mais me voicy àprésent bien loin de la poésie et de cette niche que vous ferez au public. Mon procez me tourmente. Je prévois une perte de temps effroiable. Si je peux parvenir à racrocher cette affaire au croc du conseil dont on l'a décrochée, je suis trop heureux. Elle y pendra longtemps, et j'aurai toujours le plaisir de me moquer d'un homme d'église, ingrat et chicaneur. Il y a un siècle que je n'ay reçu de nouvelles de mon frère Damilaville. Je ne sçais plus comme le monde est fait.
Respect et tendresse.