15e juin [1763]
Mon cher frère il est plus que probable que mr Jannel, qui m'a écrit, n'a agi que par des ordres supérieurs et très supérieurs.
On ne veut pas que certains ouvrages entrent dans Paris, mais j'ose me flatter qu'on les lit, qu'on en fait son profit en secret, et qu'on est baucoup plus éclairé, et baucoup plus philo-sophe que le public ne pense. La preuve en est qu'on est très loin de persécuter ceux qui ont envoyé ces ouvrages dans les quels les honnêtes gens s'éclairent. Il y a des ministres qui sont aussi de très bons cacouacs. Vous me direz, comment se sont ils déclarez il y a quelques années contre certains sages? C'est que ces sages avaient un peu trop effarouché l'amour propre des grands, c'est qu'ils prêchaient un peu trop l'égalité la quelle ne peut ny plaire aux grands ny subsister dans la société.
Il y a donc un maître à danser qui répond à Jean Jacques et les maîtres en Israel ne luy répondent pas.
Je vous supplie de m'envoier le projet de finance. Je le trouve ridicule sur l'énoncé, mais j'aime tout ce qui semble tendre à tort ou à travers au bien de l'état.
Voicy deux Meliers que je hazarde sous l'enveloppe de M. de Courteilles et de mr Dargental. Envoyez en donc un à mr le comte de Bruc notre adepte, chez m. le marquis de Rosmadek, rue de Sevre. Il ne faut pas mettre la chandelle sous le boissau.
L'essay sur l'hist. génl est un énorme ouvrage qui ne peut se débiter qu'avec le temps. Une mauvaise farce se vend en deux jours, un bon livre en quatre ans.
Où va frère ambulant et frère dormant Tiriot? Il me semble qu'il devait loger chez vous.
Et moy n'aurai-je jamais la consolation de vous posséder? Je ne l'espère pas tant que vous serez chargé de nos vingtièmes.
Ecra. l'inf.
Pouvez vous faire parvenir les incluses à frère Helvetius et frère Diderot? Je suis zélé.