1763-03-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Octavie Durey de Mesnières.

Vôtre drôle de Lettre, Madame, m'a fait un plaisir que je ne peux vous exprimer.
Vous ne pouvez pas dire que vous n'avez pas de quoi faire chanter un aveugle, car je chante vos louanges, et je chante encor celles du Roy, qui a récompensé vôtre mérite. Il me reste environ un œil, qui lira avec grand plaisir l'histoire des Tudors, quoi qu'il soit en assez mauvais état. Je vous admire de vous appliquer à des ouvrages si solides et si utiles, avec un esprit fait pour la guaité.

Made Dupuits, cidevant madlle Corneille, prétend qu'elle vous a vue, et que vous êtes fort belle; il est étonnant qu'avec celà vous fassiez des livres, et de bons livres. Il faut qu'il n'y ait pas un moment de perdu dans vôtre vie, mais il n'appartient pas à un vieil aveugle de vous dire des galanteries. Je me borne à vous féliciter de faire de si bonnes choses, et d'être couchée sur l'état des pensions, ce qui est une des meilleures manières de se coucher. Tous les saints dont vous me parlez sont les miens, et je les invoquerais tous pour obtenir une petite part dans vôtre bienveillance. Je suplie madame la veuve B. d'agréer la reconnaissance du Laboureur V.