1763-03-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

C'est donc lundi passé, sept du mois, que tout le conseil d'état assemblé a écouté m. de Crosne.
Je ne sais pas encore ce qui aura été résolu, mais j'ai encore assez bonne opinion des hommes pour croire que les premières têtes de l'état n'auront pas été de l'avis des huit juges de Toulouse. Ces huit indignes juges ont servi la philosophie plus qu'ils ne pensent. Dieu et les philosophes savent tirer le bien des plus grands maux.

Que dites vous de l'aventure de notre nouveau Corneille? c'est un véritable coup de théâtre. Que dit frère Thiriot l'apathique? Vous réjouïssez vous à m'envoyer des pompignades? On rit beaucoup à Versailles de la conversation du roi avec le marquis Simon le Franc. On en aurait ri sous Louis XI, comment voulez vous qu'on ne se tienne pas les côtes sous Louis XV, le plus indulgent et le plus aimable des souverains?

Permettez moi de vous adresser cette lettre pour m. d'Alembert; il est bon que Pindare le Brun sache le cas qu'on fait de lui.

J'embrasse tendrement mon frère et mes frères. Ecrasez l'infâme.

P. S. Je vois par votre lettre qu'il faudra encore quelques cartons à l'Essai sur les mœurs; rien n'est si difficile à dire aux hommes que la vérité.