1762-09-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Théodore Tronchin.

Mon cher Esculape, je sçais bien qu'il faut recevoir sans murmure tous les petits agréments que la nature a bien voulu attacher à la viéillesse.
Cependant, si on peur les adoucir, et même les prévenir, c'est encor mieux. Il y a plus de six mois que ma tête murmure et bourdonne; les doctes distinguent entre le bourdonnement et le siflement, mais le fait est que je deviens sourd de jour en jour, et d'heure en heure. Je suis le surdus loquens, faites moi s'il vous plait le surdus audiens, afin qu'on puisse me dire à bon entendeur salut.

N'avez vous point quelque tour dans vôtre sac, dont vous puissiez m'aider? sinon, je suis résigné à être de la confrérie des sourds.

S'il y a obstruction dans le nerf auditif, je crois qu'il n'y a point de salut pour moi à mon âge; mais si c'est uniquement tension et sècheresse, j'espère dans ce bel axiome Contraria contrariis curantur.