1762-06-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Les frères des Délices ont reçu les lettres du 19 juin de leur cher frère.
Ils cherchent le Contrat social. Ce petit livre a été brûlé à Genève dans le même bûcher que le fade roman d'Emile; et J. J. a été décrété de prise de corps comme à Paris. Ce contrat social, ou insocial, n'est remarquable que par quelques injures dites grossièrement aux rois, par le citoyen du bourg de Genève, et par quatre pages insipides contre la religion chrétienne. Ces quatre pages ne sont que des centons de Baïle. Ce n'était pas la peine d'être plagiaire. L'orgueilleux Jean Jaques est à Amsterdam où l'on fait plus de cas d'une cargaison de poivre que de ses paradoxes.

L'affaire de mon frère m'intéresse bien davantage. Mais si m. le contrôleur général a promis à un ancien ami, personne ne pourra s'y opposer, ni être bien reçu à le solliciter. Tout ce qu'on doit faire, à mon avis, c'est de remontrer fortement qu'il est de son intérêt et de son honneur d'employer utilement un homme qui a été quinze ans utile; et je suis persuadé que par cette voie on pourra obtenir un poste avantageux.

Je suis toujours en peine d'un Mêlier envoyé à mon frère pour m. le mis d'Argence en son château de Dirac près d'Angoulême. Je prie mon frère de m'en donner des nouvelles. Je répète que le despotisme oriental pourrait bien avoir été pincé pour avoir été indiscrètement envoyé en forme de livre.

La mort de Socrate est un beau sujet dans une république où l'on peut mettre sur le théâtre l'injustice, l'ignorance, la sottise et la cruauté des juges. Je souhaite que ce sujet réussisse en France.

Voulez vous des Mêlier et autres drogues? J'en pourrai découvrir dans les greniers du pays.