1761-03-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Rousseau.

La personne en question a reçu le paquet du 4e Mars.
Il faut qu'on ait envoié à Bouillon une copie défigurée. Voicy ce que porte l'original que nous avons sous les yeux

Au Camp du roy ses prêtres le portèrent,
Et de leurs pleurs les chemins arrosèrent.
Paul Tirconel, homme en tout violent,
Prenait toujours son parti promptement.
Il détesta depuis cette avanture,
Et femme, et fille, et toute la nature.
Il monte un Barbe, et courant sans valets,
L'œil morne et sombre, et ne parlant jamais,
Le cœur ronger, va dans son humeur noire,
Droit à Paris loin des rives de Loire;
En peu de jours il arrive à Calais.
etca

Le manuscrit que nous avons est de l'année 1740, et nous le croions écrit de la propre main de L'auteur, quel qu'il soit.

On a vu une ode sur la guerre dans le recueil M, cette ode est quatre fois trop longue et pleine de fautes contre la langue; elle est d'un étranger qui a beaucoup d'esprit.

On est icy entièrement de l'avis de l'auteur du journal Enciclopédique, sur la nouvelle Hèloïse. On la regarde comme un mélange monstrueux de débauche et de lieux communs de morale, sans intrigue, sans évênements, sans génie, sans intérêt; aparemment que l'auteur du journal n'a parlé dans son extrait contre sa propre pensée, que pour mieux se donner le droit de faire sentir toute l'impertinence de ce roman.

On fait mille compliments à monsieur R: et on lui est très dévoüé. On le remercie du petit imprimé; il n'était pas fait assurément pour souiller le journal Enciclopédique, celà n'est bon que pour Fréron.