1761-02-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bernard Joseph Saurin.

Toutes les fois qu'un des frères gratifie le public de quelque bon ouvrage auquel on applaudit, je me jette à genoux dans mon petit oratoire; je remercie dieu, et je m'écrie: ô dieu des bons esprits, dieu des esprits justes, dieu des esprits aimables, répands ta miséricorde sur tous nos frères, continue à confondre les sots, les hypocrites et les fanatiques.
Plus nos frères feront de bons ouvrages, en quelque genre que ce puisse être, plus la gloire de ton saint nom sera étendue. Fais toujours réussir les sages, fais siffler les impertinents. Puissé je voir avant de mourir ton fidèle serviteur Helvétius et ton serviteur fidèle Saurin dans le nombre des quarante!

Ce sont les vœux les plus ardents du moine Voltarius qui, du fond de sa cellule se joint à la communion des frères, les salue et les bénit dans l'esprit de concorde indissoluble. Il se flatte surtout que le vénérable frère Helvétius rassemblera, autant qu'il pourra, les fidèles dispersés, les sauvera du venin du basilic et de la morsure du scorpion, et des dents des Fréron et des Palissot. Nous recommandons aussi aux combattants du seigneur les persécuteurs fanatiques qu'il faut dévouer à l'exécration publique.

Pourquoi l'auteur des Mœurs du temps qui peint si bien son monde ne peindrait il pas un….?

Car est le peintre indigne de louange,
Qui ne sait peindre aussi bien diable qu'ange.

J'embrasse frère Saurin bien tendrement.

frère V.