1760-12-03, de Jean Robert Tronchin à Voltaire [François Marie Arouet].

Je lis & relis, Monsieur, votre bonne lettre, avec force éclats de rire, qui ne m'empêchent point d'admirer le moral de votre entreprise.
C'est un monument éternel de cet esprit de charité et d'équité qui vous caractérise; l'intérêt que j'y prens m'authorise à vous prier de me faire part de la suite de cette affaire. Vous pouvés compter Monsieur sur le secret, et l'argent par la première messagerie qui part vendredi matin. J'ay en caisse 500 £ d'or, je tâcherai d'en avoir encore 250, à deffaut j'y supléerai par cinq sacs de 1200lt, puis que le conseing en argent vaut tout autant qu'en or. Il y a effectivement beaucp d'apparence que vous ne reverrés pas de longtems cet argent, ou peut être jamais; Votre plan & vos combinaisons sont faites pour opérer le succès, et la matière d'intérêt n'y est entrée en aucune considération.

Point encore de lettre de Madame D'Argental qui annonce le départ de la petite Nièce du grand Corneille, je pense cependant qu'elle écrira un mot à Madame de Groslée, ou à moi, car je voudrois bien savoir le moment de son arrivée pour l'aller recevoir à la Diligence. J'ay vu seulement dans un buletin de Paris la lettre que vous lui avés écrite Monsieur, & le P. S. de Madame Denis.

Je tiens les 2000 bouchons de liège, venus de Marseille, et les cent livres de fromental, qui seront expédiés demain par les voitures de terre à l'adresse ordre de M. Cathala. Voulés vous Monsieur, de l'huyle fine d'Aix? c'est le tems d'en demander. Aggrées les tendres respects du plus zélé de vos serviteurs.

J. R. T.