1760-11-13, de Louis Gaspard Fabry à Léonard de Sahuguet-Damarzit d'Espagnac.

Monsieur

A peine un paquet est à La poste que J'y en mets un autre.
Je crains à La fin de vous fatiguer et de nous rendre importuns. Vos bontés me rassurent.

M. Duval doit vous avoir envoyé un mémoire touchant le droit que prétend avoir Le bailliage de Gex de connoitre en première instance des matières des eaux et forêts. Il a rassemblé tous Les moyens qui Luy ont paru Les plus solides. Je souhaite que Le conseil en soit touché.

Permettés qu'en qualité de Maire de Gex Je plaide aussy ma cause pour la Juridiction que J'exerce avec Les sindics et Le Conseil de cette ville sur les bois communaux qui en dépendent. Elle nous fut concédée en 1568 par Emanuel Philibert, Duc de Savoye, alors souverain du Pais de Gex. Les Lettres patentes qui contiennent cette concession ont été duement enregistrées au sénat de Chambery et suivies d'une possession sans trouble Jusques en 1756, que nous y avons été maintenus par arrest contradictoire contre Les officiers du Bailliage. Je ne peux mieux vous faire connoitre notre droit et nos titres qu'en vous mettant sous Les yeux un exemplaire du mémoire imprimé que nous avons fait faire pour L'instruction du procès que nous avons soutenu pour cette Juridiction; J'y Joins copies des Lettres patentes de 1568 et de L'arrêt de 1756. Nous sommes très résolu à ne point L'abandonner qu'un arrest du conseil ne nous en dépouille. Je prends La Liberté, Monsieur, de vous prier, de vouloir bien me marquer ce que vous en pensés.

Le conseil de S. A. S. est informé depuis Long tems du bail à vie que M. Le Président De Brosses à passé à M. De Voltaire Le 11 décembre 1758 de La terre et seigneurie de Tournay. J'ay eu L'honneur de m'en entretenir avec vous à Gex, et depuis je n'ais rien oublié pour me procurer une copie de cet acte. Elle m'a été enfin remise. Je ne perds point de tems à vous L'envoyer. J'y joins copies de quelques Lettres tant de Mrs Les fermiers Généraux que du directeur des domaines et de M. De Voltaire, par Les quelles vous verrez qu'il a été décidé au conseil que ce contract renfermoit non un bail à vie mais une vente à vie de La terre de Tournay pour Laquelle il étoit dû un droit de centième denier que M. De Voltaire a payé suivant La notte que J'ay tiré du registre du Receveur des domaines de cette ville qui est à La suite des copies de Lettres. On me donne même pour assuré que cette décision a donné Lieu à un arrest du conseil qui a été envoyé dans tous Les Bureaux des domaines pour servir de Règle à L'avenir en pareil cas. Comm'il n'a point été adressé à celuy de Gex Je n'ais pus en avoir une Copie mais il ne sera pas difficile de me La procurer s'il en est besoin: dès le moment que Le Conseil a regardé cette vente à vie comme une véritable aliénation, il s'ensuit qu'il est dû un Lod à S. A. S. pour Le Recouvrement duquel son conseil jugera sans doute à propos de donner des ordres de faire Les diligences nécessaires auprès de M. De Voltaire qui a si bien prévu La demande que L'on pourroit Luy faire à ce sujet qu'il a eu la précaution d'exiger un billet de garantie de M. Le Président De Brosses.

C'est sans doute à La protection, et à La recommandation de Mgr Le Comte de La Marche que nous sommes redevables du party qu'a pris Le Conseil du Roy malgré Les vives et pressantes sollicitations des fermiers Généraux de ne point évoquer Le procès concernant Le privilège dont jouissent Les habitans de La partie de La vallée de Mijoux unie au pais de Gex d'user du sel du comté de Bourgogne et de Laisser décider cette affaire par Le Juge des Gabelles de Belley qui en étoit saisi. L'entreprise des fermiers Généraux a eu Le sort auquel ils devoient s'attendre, elle a été condamnée par sentence du 15 juillet dernier. Ce mauvais succès ne Les a point rebuté. Ils se sont rendus appellans de ce Jugement au Parlement de Dijon, où il y a tout Lieu d'espérer qu'il sera confirmé puisqu'il est en partie fondé sur plusieurs arrêts contradictoires avec Les fermiers Généraux. Les sindics du pais sont intervenus, Nous souhaiterions fort que Mgr Le Comte de La Marche, et M. De St Claude comme seigneurs indivis de La vallé commune de Mijoux et principalement intéressés à La conservation du privilège dont il s'agit, voulussent aussy Intervenir, ce seroit un moyen sûr pour détourner Les fermiers Généraux de tenter au conseil La cassation de L'arrêt qui sera rendu ou La suppression du privilège qui Leur fait ombrage. Pour vous mettre en état, Monsieur, de proposer à S. A. S. cette intervention Je Crois devoir vous addresser copies de notre mémoire, des titres qui y sont énoncés, de La sentence du Juge des Gabelles, et de plusieurs Lettres concernant cette affaire, qui mérite certainement L’attention que vous donnés à tout ce qui Concerne Les intérêts de S. A. S.

Je suis avec Respect

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Fabry