à Versailles ce 18 Octobre 1760
Monsieur,
J'ai receu l'Exemplaire intitulé histoire de l'Empire de Russie& avec l'ordre de vous donner mon jugement sur cet ouvrage.
Comme par la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 12 de ce mois vous me marquéz qu'il s'agit seulement de décider si on peut permettre le débit de ce premier tome, je réduirai mes observations à ce seul point.
Lors que j'ai receu ce même Exemplaire que j'ai l'honneur de vous renvoyer cy joint, cet ouvrage, depuis huit Jours, environ, paroissoit ici, in 12.; il en avoit été débité en toute liberté et très rapidement plus d'une centaine et ce débit dure encore.
Apeine cet ouvrage eut il parû que des personnes au jugement des qu'elles on doit la plus respectueuse soumission (soit qu'elles l'eussent lû, ou qu'elles ne le connussent que par le Compte qu'on leur en avoit rendu), Le Condamnèrent, trouvant qu'en plusieurs endroits la Religion Etoit attaquée. J'ai marqué par des traits de Crayon ces mêmes Endroits.
Ce qui est souligné page 237 a pu concourir à indisposer les esprits. L'auteur dit dans sa préface que sa situation est telle qu'elle le dispense de flater. Il résulte que les éloges mérités qu'il auroit dû donner page 223 il les a regardés comme des flateries qu'il a dédaigné d'Employer. Il y a donc tout lieu de penser que quiconque poura être soupçonné de favoriser le débit de cet ouvrage s'exposera à la disgrâce des personnes qui le condamnent.
J'ai l'honneur d'être avec le plus sincère et les plus respectueux attachement,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
De Moncrif