1760-09-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Caro Gabriele; quiconque a précautioné les genevois ses compatriottes contre les friponeries d'un Tartufe, a très bien fait.
Quiconque a mis un V. à la tête de l'ouvrage a très mal fait; je ne veux point être le chat dont on se sert pour tirer les marons du feu, et quand je les tire, je les veux manger. On nomme trois personnes, et je n'en nomme aucune; tout ce qui m'étonne, c'est que celle des trois qui a attaché le grelot au cou du fripon, ne lui dise pas en face, ce qu'il écrit de lui; si j'avais fait cette petite brochure j'en ferais un gantelet pour ma main droite, et j'irais en donner un souflet à tour de bras au coquin de Coltord; il me semble qu'un genevois qui a eu le courage d'écrire tout ce qui est dans cette brochure, doit avoir le courage de l'avoüer; et je vous prédis qu'il viendra un temps, et ce temps n'est pas loin où l'on n'en sera pas moins sindic, pour avoir dit qu'un prêtre est un fripon. Je vous embrasse de tout mon coeur.

Jean Louïs ne compile, compile, compile pas comme L'abbé Trublet, mais il demande, demande, demande toujours à Monsieur Crammer. Il craint enfin d'abuser de ses bontés, en lui demandant pour lui en propre un éxemplaire du czar qu'il lira dans sa chambre.