[25 July 1760]
Je dois vous dire, monsieur, combien je suis touché des sentiments que vous m'avez témoignés dans votre lettre.
J'ai jugé que vous souffrez comme moi des outrages faits à la littérature et à la philosophie, en plein théâtre et en pleine académie. Je crois que la plus noble vengeance qu'on pût prendre de ces ennemis des mœurs et de la raison, serait d'admettre dans l'académie m. Diderot. Peut-être la chose n'est elle pas aussi difficile qu'elle le paraît au premier coup d'œil. Je suis persuadé que si vous en parliez à madame de Pompadour, elle se ferait honneur de protéger un homme de mérite persécuté. Il pourrait désarmer les dévôts dans ses visites et encourager les sages. Je m'intéresse à l'académie comme si j'avais l'honneur d'assister à toutes ses séances. Il me paraît que nous avons besoin d'un homme tel que m. Diderot, et que dans sa situation il a besoin d'être membre de notre compagnie. Le pis-aller serait au moins d'avoir plusieurs voix pour lui, et d'être comme désigné pour la première place vacante; cette démarche serait honorable pour les lettres, elle ferait voir que l'académie ne juge point d'après de vaines satires et de fausses allégations; enfin vous pouvez prendre avec m. Diderot et vos amis les mesures qui vous paraîtront convenables. Si vous approuvez mon ouverture, et si on a besoin d'une voix, je ferai volontiers le voyage, après quoi je retournerai à ma charrue et à mes moutons.
Je vous supplie de me dire ce que vous en pensez, et de compter sur l'estime sincère et l'inviolable attachement de votre &c.