1760-05-14, de Étienne Jean de Guimard des Rocheretz, baron de Montpéroux à Étienne François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul.

Monseigneur,

J'ay reçu la lettre sans datte dont vous m'avez honoré, à laquelle devoit être joint un mémoire de Made Denis, que je n'ay pas trouvé, mais que M. De Voltaire m'avoit communiqué.

Il est vrai, Monseigneur, qu'un Genevois avoit fait assigner Made Denis devant un des tribunaux de cette ville, qu'elle y avoit été condamnée, et qu'elle en avoit appellé. Toute cette affaire s'étoit conduite sans que ny Made Denis ny M. De Voltaire, quoy que nous soions fort liez, m'en eussent parlé. M. De Voltaire m'en écrivit il y a prèz de quinze jours. Je fus aussy étonné qu'un tribunal genevois eût voulu connoitre d'une affaire dans laquelle il s'agissoit d'un fonds situé en France, que d'apprendre que Made Denis y eût répondu, et en eût en quelque façon reconnu la compétence, en interjettant appel de ce premier tribunal à un autre. Je répondis à M. De Voltaire que la première chose qu'il auroit dû faire, étoit de m'envoyer l'assignation. Mais comme il s'agissoit alors, Monseigneur, de redresser une démarche irrégulière de part et d'autre, je m'addressai au Premier Magistrat qui n'en étoit pas instruit; il convint que Made Denis avoit été mal assignée, et que le tribunal devant lequel elle avoit répondu, n'auroit pas dû juger. Il est certain que le jugement ne pouvoit être exécuté, puisqu'il étoit question d'ordonner une descente sur terres de France. M. De Voltaire s'étoit trop pressé de nommer un avocat et un procureur, il devoit me parler de cette affaire, et alors aucun tribunal genevois n'en auroit connu.

Tout est arrangé; les choses resteront sur le pied où elles doivent être. Si le Genevois a quelques prétentions à faire valoir, il s'addressera à la justice de Gex.

Je suis avec respect,

Monseigneur

Votre très humble & très obéissant serviteur

Montperoux