1759-11-05, de Charles Theodore von Sulzbach, Elector Palatine à Voltaire [François Marie Arouet].

J'ai été bien charmé de recevoir la lettre, monsieur, que Colini m'at aporté.
J'ai été bien aise de faire sa connoissance. Il parait avoir beaucoup d'esprit et de mérite; j'espère bien d'avoir la satisfaction l'année prochaine de vous revoir. J'ai été bien mortifié d'en avoir été privé celle cy; faitte toujours d'aussi beaux poèmes qu'Homere mais ne devenez pas aveugle comme lui; tous les amateurs de la bonne littérature y perdroient trop. Comme vous donnéz présentement dans le vieux testament ne croiriéz vous pas le livre de Job susceptible d'une belle poésie? Je vous l'ai entendu louer souvent; c'est un tems actuellement où on a besoin d'être excité à la patience. Bien des gens sont aujourdhui aussi mal à leurs aises que Job l'étoit sur son fumier. Vous vivez dans la tranquilité, mais j'espère qu'on en jouira bientôt partout, et que j'aurois le plaisir de vous assurer icÿ de la vraie estime que j'aurois toujours pour le petit suisse.

C. T. E.