L'état où vous êtes touche mon cœur, quoique j'aie eu beaucoup à me plaindre de vous.
Vous pouvez tirer sur moi une lettre de change de deux cent cinquante livres, argent de France. Je vous aiderai tant que vous serez à plaindre. Mais vous devez à dieu, au public et à moi la réparation du factum calomnieux et indécent que l'abbé Desfontaines vous fit signer.
Quand on a fait une faute, il y a de l'honneur à la réparer. Vous devez m'écrire avec les sentiments que vous me devez; que vous ne vous pardonnerez jamais l'écrit calomnieux auquel l'abbé Desfontaines vous a obligé de mettre votre nom; que je vous ai comblé de bienfaits, et que vous conserverez toujours pour moi le respect, le repentir et la reconnaissance dont vous ne pouvez vous dispenser; je ne payerai la lettre de change qu'en recevant votre lettre signée de vous. Si vous avez en effet un véritable repentir de votre faute, j'y aurai toujours égard.
Voltaire
gentilhomme ordinaire
du roi, comte de Tourney
A Tourney par Genève, 26 mai 1759
J'exige de vous la lettre la plus forte et la plus convenable; il faut que vous vous tiriez du nombre des ingrats, dont j'ai été le bienfaiteur, et que vous vous en fassiez gloire en me le disant d'une manière qui puisse me convenir.