au châtau de Tourney par Geneve 26 mars
Madame,
L'ami Tiriot qui m'a fait parvenir vos faveurs est un paresseux, et connu pour tel, qui ne m'a pas seulement instruit de votre demeure. Je luy adresse enfin les remerciments que je vous dois. Je ne veux pas passer pour ingrat quand vous m'avez fait votre redevable et votre admirateur. Je serais enchanté de vos ouvrages si vous n'étiez qu'un homme. Jugez quels sont mes sentiments quand je sçai que vous êtes de ce sexe qui a civilisé Le nôtre, et sans lequel nous n'aurions été que des sauvages comme Jean Jaques veut que nous soyons. La plus part des personnes de votre espèce n'ont réussi qu'à plaire. Vous savez plaire et instruire. On m'a dit madame que votre société est aussi aimable que vos livres. Vous avez voulu me consoler en me procurant le plaisir de vous lire, du malheur de ne pouvoir vous entendre, et vous m'avez inspiré une reconnaissance avec la quelle je serai toutte ma vie, madame, vot. tr. humb. et obéisst serviteur
Voltaire