1758-12-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Gaspard Fabry.

Monsieur

J'ai l'honneur de vous envoyer la Lettre du Curé de Moins.
Cet homme est bien tenace, et brave bien insolemment vôtre médiation. Je vous prie instamment, Monsieur, de vouloir bien interposer vos bons offices, pour qu'il attende quinze jours; attendu qu'il est actuellement déffendu de faire venir des Espèces de Lyon, et qu'on n'en peut tirer de Genêve qu'avec une perte considérable. Aureste, ce curé avide et chicanneur qui persécute les pauvres, mériterait plutôt un châtiment éxemplaire que de l'argent. Je vous supplie en un mot, qu'il n'accable point de nouveaux frais les communes de Ferney, en attendant qu'on ait pris des mesures convenables.

L'avanture arrivée à une pauvre femme, que je loge par charité à Tourney, et à qui les commis ont enlevé sa farine, pour laquelle on fesait chauffer le four du Châtau, est une nouvelle preuve du service éssentiel que vous rendrez au païs, en renvoyant dans les montagnes cette horde d'emploïés qui abiment nôtre petite province, et qui seront très bien avec les Ours et les Loups leurs confrères: si on pouvait leur donner le Sr Ancian pour Curé, celà serait très convenable.

J'ay l'honneur d'être du meilleur de mon cœur Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

V.