aux Délices 4 octb [1758]
Que les Russes soient battus, mon cher et ancien ami, que Louisbourg soit pris, qu'Helvetius ait demandé pardon de son livre, qu'on débite à Paris de fausses nouvelles et de mauvais vers, que le parlement de Paris ait fait pendre un huissier pour avoir dit des sottises, ce n'est pas ce dont je m'inquiète.
Mais mr Angau de Leseau, et quatre années qu'il me doit sont le grave sujet de ma lettre. Peutêtre monsieur Angau me croit il mort, peutêtre l'est il luy même. S'il est en vie, où est il? s'il est mort où sont ses héritiérs, dans l'un et l'autre cas, à qui doi-je m'adresser pour vivre? Pardonez mon ancien ami à tant de questions. Je me trouve un peu embarassé. J'ay essuié coup sur coup plus d'une banqueroute. Notre ami Horace dit tranquilement
Vraiment je le crois bien. Voylà un grand effort! Il n'avait pas affaire à la famille de Samuel Bernard et à mr Angau de Leseau. Ce petit babouin crut faire un bon marché avec moy parce que j'étais fluet et maigre. Vivimus tamen, et peutêtre Angau occidit dans son marquisat. Qu'il soit mort ou vivant il me semble que j'ay besoin d'un honnête procureur normand. En connaitriez vous quelqu'un dont je pusse emploier la prose? Mais vous, que faittes vous dans votre jolie terre de Launay? bâtissez vous? plantez vous? avez vous la faiblesse de regreter Paris? ne méprisez vous pas la frivolité qui est l'âme de cette grande ville? Vous n'êtes pas de ceux qui ont besoin qu'on leur dise, omitte mirari beatœ / fumum et opes strepitum que Roma.
Cependant on dit que vous êtes encor à Paris. J'adresse ma lettre rue st Pierre, pour vous être renvoyée à Launai si vous avez le bonheur d'y être. Adieu, je vous embrasse.
V.