1758-10-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

L'oncle et les nièces sont à vos pieds madame.
Nous vous regrettons à chaque instant. Notre consolation est de parler de vous. Nous nous interresserons toute notre vie à tous les événements de la vôtre. Si j'avais un peu de santé et moins d'affaires, je viendrais vous faire ma cour avant que vous quittiez votre taudis de Monrion. Madame la marquise de Gentil vient habiter aujourdui cette petite chambre où vous avez si peu dormi, mais madame qui vous remplacera jamais?

Ne croiez point du tout que la cour de France ait signifié à vos autrichiens son impuissance et son abandon. Nous sommes fiers et fidèles, ce qu'on vous mande n'est ny vrai ny même vraisemblable. Nous pouvons être battus; mais on ne manquera pas à Marie Terèse.

Le révolution de Suede est bien plus probable, mais heureusement elle ne se confirme pas. Il n'y a rien de vray que mon tendre et respectueux attachement pour vous.

V.

Si vous voulez cacheter cette lettre incluse avec une tête, vous la ferez mettre à la poste où et quand il vous plaira. Je vous demande bien pardon.

Adieu, madame, adieu, vous me rendez les yeux humides.

Soyez heureuse, souvenez vous en bien, n'y manquez pas.