aux Délices 2 septembre 1758
Vous vouliez mon cher philosophe aller voir le st père et vous restez à Paris.
Je ne voulais point aller en Allemagne, et j'en reviens. Je trouve en arrivant votre dinamique. Je lis le discours préliminaire. Je vous admire toujours et je vous remercie de tout mon cœur.
Comment va L'enciclopédie? est il vrai que Jean Jaques écrit contre vous, et qu'il renouvelle la querelle de l'article Geneve? On dit bien plus, on dit qu'il pousse le sacrilège jusqu'à s'élever contre la comédie qui devient le troisième sacrement de Geneve? On est fou du spectacle dans le pays de Calvin.
On a donné trois pièces nouvelles faittes à Geneve même en trois mois de temps et de ces pièces je n'en ay fait qu'une.
Voylà l'autel du dieu inconnu à qui cette nouvelle Athene sacrifie. Roussau en est le Diogene, et du fonds de son tonnau, il s'avise d'aboier contre nous. Il y a en luy double ingratitude. Il attaque un art qu'il a exercé luy même et il écrit contre vous, qui l'avez accablé d'éloges. En vérité magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes.
N'êtes vous pas à Paris dans la consternation? Le roy de Prusse est dans l'embarras. Marie-Terese est aux expédients, tout le monde est ruiné. Roussau n'est pas le plus grave fou de ce monde. Ah quel siècle! quel pauvre siècle! Répondez à mes questions, et aimez un solitaire qui regrette peu d'hommes et peu de choses, mais qui vous regrettera toujours, qui vous admire et qui vous aime.
V.