5e Auguste, à minuit, 1767
En ressassant, monsieur, de gros paquets de Lettres, j'en ai trouvé une à mon adresse, ouverte, que je n'avais point vue.
J'y vois que vous demandez certaines choses. Vous savez quelle est mon envie de vous obliger. Une heure après avoir vu vôtre Lettre, est arrivé icy un parisien-hongrois, qui partait pour la bonne ville. Je me suis sur le champ muni d'un petit paquet de drogues, et j'ai prié le jeune Hongrois de vous les faire tenir. Lorsque vous me ferez l'honneur de me donner vos ordres, je vous prie de me les adresser en droiture, sans quoi je ne les verrai peut être pas. Dieu vous bénisse pour ce que vous faittes pour l'innocence des pauvre Sirven. Voilà la vraie philosophie, elle est de pratique et non de théorie.
Il y a un certain mémoire que vous avez reçu qui me met au désespoir, parce qu'il n'y a rien de nouveau, et qu'on a été puni pour ce dont on se plaint. Je sens que celà ne réussira pas d'une certaine façon; et il arrive souvent que, magis magnos clericos, non sunt magis magnos sapientes, comme disait le bon maître Rabelais. Vous savez combien j'aime celui que je regarde comme mon père, et pour qui je donnerais ma vie; et c'est pour cette raison que j'aime son repos et sa gloire. Je vous parle en bon Suisse, et j'espère que je n'en parle qu'à vous seul, et que vous n'en parlerez qu'à moi seul.
Souvenez vous du petit ouvrier de la Vigne dans vos prières. Conservez lui des bontés dont il sent bien vivement le prix. Sans cérémonie.
Wagniere