[c. 25 May 1758]
Monsieur,
J'ai cru être sur le Tabor quand j'ai entendu Fili mi dilecte.
Cette lettre édifiante serait un morceau bien flatteur pour moi à insérer dans le Mercure:
On m'a mis à la vérité dans le cas de me comparer aux abeilles: Sic vos non vobis. Mais mon travail sera bien secondé, si les gens de lettres veulent me tenir ce qu'ils m'ont promis de la meilleure grâce du monde. Bernard lui même, le sage & discret Bernard ouvrira pour moi son portefeuille. J'aurai des fragments de l'Art d'aimer. Je tiens quelques jolies pièces de m. de Saint-Lambert, & de m. le comte de Tressan.
M. D'Alembert va me donner un beau morceau de philosophie; m. de Vaucanson, la description d'un nouveau métier qu'il a fait pour les Gobelins, où se trouvent tous les avantages de la haute & basse lisse sans aucun inconvénient. M. Diderot, cet Atlas qui porte l'Encyclopédie, m'a offert de me soulager en me donnant des extraits. Cela s'annonce le plus favorablement du monde. Mais c'est à vous, monsieur, à changer cette bienveillance particulière en une émulation générale. Vous m'enverrez, dites vous, des sottises; sottises soit, tout est bon de votre main.
Vous avez la bonté d'appeler miel le mélange que je compose. Jettez moi de ces fleurs plus douces, plus odoriférantes que celles du mont Hibla; c'est alors que je prendrai pour devise, Cœlestia dona, & pour emblême un essaim d'abeilles à la tête desquelles sera leur roi. Je suis, &c.