1757-12-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Théodore Tronchin.

Mon cher Esculape,

Mon petit malade après avoir pris sa seconde dose d'émétique avant hier fut encor bien purgé par le bas, de matières fétides, et rendit un paquet de vers parmi les quels il y en avait un de six pouces de long.
Je luy donnay une décoction de rue, de petite centaurée, de menthe, de chicorée sauvage, et pour adoucir la vivacité que cette tisanne pourait porter dans un sang irrité par la fièvre, je luy fais prendre de demi heure en demie heure entre ces potions, une émulsion légère. La fièvre subsiste, continue, avec redoublement, mais moins violente. Il a dormi un peu. La tête n'est point embarassée, mais il y a toujours mal. Le bout de la langue est du rouge le plus vif mais il s'en faut baucoup que l'œil soit net. Il ne l'est guères, je crois, dans ces maladies. La peau n'est pas ardente. Depuis qu'il a rendu des vers, il n'a pas été à la garderobe. Ne conviendrait il pas de luy ôter sa tisanne antivermineuse qui peut l'échauffer, et continuer à délayer baucoup les humeurs?

N. b. qu'il a toujours la bouche ouverte et qu'il luy est difficile de la fermer. J'entre dans tous les détails, je voudrais sauver ce petit garçon. Qu'ordonnez vous?

A propos la France est aussi malade que luy. Mademoiselle votre fille est elle palliée?