12 8^bre 1756 à Paris

Je suis fort empressé, mon ancien et très illustre ami, d'aprendre de bonnes nouvelles de Madame de Fontaines.
Le grand Tronchin a t'il achevé ce second miracle? Nous avons toujours espérance de mettre Mad^e de la Popliniere en état d'en faire opérer un sur elle; mais ce ne sera pas si tôt, à ce que je crois, car elle est toujours bien malade, bien soufrante et bien affoiblie. Le sein va cepend^t très bien, la supuration fort abondante, les tumeurs se fondent, presq^e point de fièvre. M. Pibrac n'aura pas besoin de la toucher, et elle n'a point d'autres douleurs que des reins, de la hanche gauche et de la jambe par des crampes et des convulsions fort vives et fort poignantes qu'il paroit cepend^t que les frottemens adoucissent et éloignent. Tout cela fait bien la nécessité des deux cautères aux jambes qu'indique M. Tronchin, et que si ils eussent été faits il y a 3 ans lorsqu'on fit la grande opération Mad^e de la Popliniere n'auroit pas éprouvé le triste état où elle se trouve aujourd'hui. Je ne sais si il en sera encor tems. Dieu le veüille et je l'espère après que le sein sera bien cicatrisé.

Je viens de lire un ouvrage qui n'est pas de ma compétence et que je ne comprends pas dans beaucoup de points: il m'a cepend^t intéressé et instruit. Vous en tirerés un meilleur parti que moi, et vous me saurés quelque gré de vous avoir exhorté à le lire d'un bout à l'autre. Ce sont les rêveries du Maréchal de Saxe, je vous assure que ce sont les rêveries d'un Génie et d'un grand Maitre dans l'art Militaire. C'est écrit fort naturellem^t et j'y ai reconu son tour de conversation dans bien des endroits, et les mêmes expressions. C'est un petit in folio que je vous conseille d'emprunter seulem^t, car on le vend 33^lt.

Frederic Mandrin 2^d du nom accroit tous les jours par ses Rescripts le mépris où il est tombé. J'aime assés ce que le Roi de France lui a fait déclarer, que indépendem^t de …… l'humanité seule lui feroit prendre les armes contre lui. Il nous dira sans doute bientôt si c'est là une agression, ou une hostilité. Je crois qu'il se repent déjà d'être entré dans cette maudite galère. On parle ici d'une bataille en Boheme du 1^er du Mois où l'on prétend qu'il a plus perdu que gagné.

Voici une petite pierre jettée par l'Esclave dans la Coquille du Triomphateur de Port Mahon. Il fault être instruit de tout.

Un vieux Polisson Grec dans l'anthologie a fait la comparaison d'un Pet et d'un Roi, un Polisson françois de nos jours vient de la rendre d'une manière assés précise, et qui ne doit pas vous déplaire.

Vite de bonnes nouvelles de Mad. de Fontaines, à qui je suis trop attaché pour n'en être pas fort inquiet. Je vous embrasse de tout mon coeur.

Th^t