à Monriond près de Lausanne 11 janvier 1756
Monsieur,
Les gazettes de Hollande ayant annoncé sous mon nom une histoire de la guerre de 1741, faite sous les yeux et dans les bureaux des ministres, et cette histoire pouvant faire quelque impression dans les païs étrangers dans les circonstances présentes; j'ai crû qu'il était de mon devoir de vous avertir que cet un abus de mon nom, et un artifice ordinaire de Libraire.
L'ouvrage qu'on débite n'est point le mien; c'est une rapsodie informe qui ne va que jusqu'à la bataille de Fontenoy; mon ouvrage composé en éffet à Versailles dans les bureaux et sous les yeux de Mr le comte D'Argenson Lorsque je faisais les fonctions d'historiographe de France est encor entre les mains de ce ministre; il est poussé jusqu'à la paix D'Aix la-Chapelle. Ce sont des mémoires autentiques qui ne doivent être publiez que Longtemps après Les évênements. Je vous prie donc, Monsieur de n'ajouter aucune foy à la prétendue histoire qu'on m'attribue; si j'osais même vous supplier de vouloir bien interposer vôtre considération et vôtre Crédit pour faire insérer dans les papiers publics L'avertissement cy joint je prendrais cette Liberté. Ce qu'on doit à sa patrie et à la vérité, autorise la démarche que je fais auprès de vous. Je me flatte, Monsieur, que vous me pardonnerez cette importunité en faveur de ces motifs.
J'ay L'honneur d'être avec les sentiments que je vous dois
Monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire