à Monrion près de Lausane 26 décembre 1755
Est il bien vray monseigneur que je prends la liberté de vous demander vos bontez pour madame ou mademoiselle Gouet? quel intérest ai-je à cela? on dit qu'elle est jeune et bien faitte.
C'est votre affaire et non la mienne, elle veut chanter les cantiques de Moncriffe chez la reine. Elle demande à entrer dans la musique, et il faut que du pied du mont Jura je vous importune pour les plaisirs de Versailles. On s'imagine que vous avez toujours quelque bonté pour moy, et on me croit en droit d'oser vous présenter des requêtes. Mais si mademoiselle Gouet est si bien faitte et si elle a une si belle voix la liberté que je prends est très inutile; et si elle n'avait par malheur ny voix ny figure, cette liberté serait plus inutile encore. Je devrais donc me borner à vous demander pour moy tout seul la continuation de vos bontez. Je ne suis plus à mes Delices, je passe mon hiver dans une maison plus chaude que j'ay auprès de Lausane à l'autre bout du lac. Un village a été abîmé à quelques lieues de nous par un tremblement de terre le 9 du mois. En attendant que mon tour vienne je vous renouvelle mon très tendre respect. Nous sommes icy deux suisses, ma nièce et moy, qui regrettons de n'être pas nez en Guienne.
V.