Strasbourg ce 18 février 1755
Monsieur,
Répondant à l'honneur de vostre lettre du 2e je vous confirme la mienne du 28 janvier, suivant laquelle je me réserve, indépendamment de ce qu'il m'en coûtera, un pour cent nett de provision, sur la remise des fonds que je ferai à Geneve, & l'intérest du retard à un demi pct par mois du jour de la datte des quittances de M. de Voltaire. J'aprend avec plaisir que vous rassemblerez dans le courant de mars prochain le quartier écheu le dernier septembre. Je fais mon état en conséquence, et compte absolument sur les 2/m.lt pour la fin de mars: Mr de Voltaire m'avoit déjà demandé par lettre du 4e courant, de lui assigner dans le cours de mars ses 14000lt & avant hier un banquier de Geneve, avec lequel il paroit avoir fait connoissance nouvelle, m'écrit tout bonnement de luy faire remise pour une somme pareille que je devois toucher pour mr de Voltaire à la fin de ce mois. J'ai répondu au premier & à celui ci: que je n'avois aucun fond; qu'en me remettant les quittances de mr de Voltaire, je ferois son affaire & sans fraix pour ce dernier, mais que la somme n'estoit écheue qu'à la fin de mars et que je verrai à lui faire toucher son argent là haut pour ce tems là. Vous voyez monsieur partout cecy que nous avons afaire à un homme qui bien loin de faire quartier se repent quasi de vous avoir accordé le terme de 6 en 6 mois et qu'il faut se préparer au jour, pour le satisfaire, quant à l'avance entre vous et moi. Je vous observerai d'honneur que me trouvant dans le cas d'en faire, à touttes sortes de personnes et de correspondans je suis obligé de partager les choses, et de me borner entre 6 à 12000lt pour votre partie sans vous en pouvoir promettre au delà. C'est à dire, vous me rembourserés dans le mois prochain, & avant que je débourse les 14000lt, la somme du quartier d'octobre, & ces mesmes 14000lt dans l'espace des 6 mois, avant que m. de Voltaire pût m'en demander d'autres. Je pense que cette facilité doit vous suffire dans vostre recette….
Jean de Turckheim