[c. 1 January 1755]

Monsieur,

L'aimable Monsieur Tissot m'envie le plaisir de vous comuniquer ses œuvres; il la sçust que je devois vous les envoier, il veut avoir l'avantage de vous les offrir, c'est son droit.
Il m'a fait remetre pour cela l'exemplaire que vous ferés retirer du coche, s'il vous plait. Ce petit ouvrage vous fera cognoitre un autheur de mérite, un médecin qui marche à grands pas sur les traces des plus grands maitres de son art. Une seule chose pouvoit m'engager à l'aimer et à l'estimer plus que je ne fais, c'est Monsieur s'il pouvoit par ses conseils et ses soins rétablir votre santé, et procurer à l'Europe sçavante, que vos infirmités allarment sur votre compte, la satisfaction de vous voir bien portant, nous promettre encor bien des annëes de vie, et par là même les inestimables matériaux d'une gloire qui sera immortelle.

Eh bien! Monsieur, Notre petit Théâtre sur lequel nous gouttons la volupté, in puris naturalibus sans avoir encor rafiné sur aucunes des aisances et des comodités de la vie, ce petit Coin du monde, où rien ne flatte l'ambition et où les sens du sage peuvent goutter d'inocentes satisfactions que la Grandeur n'empoisone point, vous aura plû sans doutte. Des yeux Philosophes éclairés sur la vanité sçavent metre à leur juste prix ce qui n'en a pas seulement l'aparence; Monriond habitté par vous deviendra un lieu enchanté. N'aije point lû dans un de vos ouvrages que

J'impatiente de vous voir habitter un lieu que vous allés immortaliser. Il me semble que la gloire de ce séjour rejalira sur vos amis, si come vous les en flattés, ils peuvent penser qu'eux seuls vous ont déterminé au choix de ce petit hermitage. J'aime à me persuader que j'ai pû y contribuer, et que j'aurai plus d'une occasion de vous y rendre mes devoirs et vous assurer de l'entier et parfait Dévouëment avec lequel j'ai l'honneur d'étre V. t. h. s:

JAN Polier de Bottens